Une première tentative qui a échoué. Les procureurs et agents du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO) ont tenté sans succès ce vendredi d’arrêter Yoon Suk-yeol, le président sud-coréen déchu après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale le 3 décembre. Les enquêteurs sont finalement ressortis bredouilles de la résidence présidentielle, face à des centaines de manifestants pro-Yoon Suk-yeol massés à l’extérieur.
See AlsoSavez-vous pourquoi ces trois lettres sont interdites sur les plaques d’immatriculation ? | TF1 INFO오늘도 한남동 관저 앞 출동했습니다. 공수처는 겁먹고 도망갔네요. 청년들 모여 달라고 외쳤는데 바로 모여주시는 의리!!
I joined the protest in front of the presidential residence again today. The Corruption Investigation Office ultimately failed and retreated. Proud Koreans,… pic.twitter.com/mXeS3z85kg
— Paul Sungwon Kim (@paulswpkim) January 3, 2025
Pourquoi la police voulait-elle arrêter Yoon Suk-yeol ?
Tout démarre le 3 décembre dernier. Ce jour-là, le président sud-coréen conservateur Yoon Suk-yeol décrète la loi martiale, officiellement afin de faire face aux « forces communistes nord-coréennes ». L’armée est envoyée au Parlement qui parvient tout de même à voter l’abrogation de cette loi martiale. Face au tollé provoqué par cette décision, le Parlement sud-coréen vote une dizaine de jours plus tard la destitution de Yoon Suk-yeol.
Le Premier ministre Han Duck-soo devient alors président par intérim… avant d’être lui-même destitué fin décembre car accusé d’avoir « activement participé à l’insurrection ». Le ministre des Finances, Choi Sang-mok devient à ce moment-là chef de l’État par intérim, poste qu’il occupe toujours.
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Dans ce contexte, le Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO) a convoqué à trois reprises Yoon Suk-yeol, visé notamment par une enquête pour « rébellion », afin qu’il s’explique sur son coup de force. Des convocations toutes repoussées par le président déchu qui a l’intention de se « battre jusqu’à la toute fin ». Pour le forcer à comparaître, un mandat d’arrêt est émis le 31 décembre par un tribunal sud-coréen.
Pourquoi Yoon Suk-yeol n’a-t-il pas pu être arrêté ?
Forts de ce mandat d’arrêt, 20 enquêteurs et 80 policiers sont entrés ce vendredi dans le palais présidentiel à Séoul où se trouve Yoon Suk-yeol. Sauf que sur place le « rapport de force » est nettement « défavorable » au CIO, pointe Arnaud Leveau, professeur en affaires internationales à l’université Paris Dauphine et membre du comité d’orientation de l’institut de recherche Asia Centre. Deux cents soldats et agents des services de sécurité présidentiels (PSS) sont en effet présents.
Ces derniers ne répondent pas aux ordres de la police mais, en théorie, à ceux du président par intérim Choi Sang-mok, selon la BBC. « Soit ils n’ont pas reçu d’instructions du président par intérim Choi de se retirer, soit ils ont refusé de le faire », a décrypté auprès de la BBC Mason Richey, professeur associé à l’Université Hankuk des études étrangères de Séoul. « Les membres du PSS ont peut-être aussi agi par loyauté envers Yoon », ajoute Arnaud Leveau.
VidéoCorée du Sud : les enquêteurs échouent à arrêter le président déchu Yoon
D’autant plus que le chef du PSS Park Jong-joon a été nommé à ce poste en septembre dernier… par Yoon Suk-yeol. « Il se pourrait bien que Yoon ait doté l’organisation de fidèles de la ligne dure en prévision précisément de cette éventualité », a poursuivi auprès de la BBC l’avocat Christopher Jumin Lee, spécialiste de la Corée du Sud. Pendant l’opération le CIO a décrit des « altercations physiques mineures et majeures » et a invoqué « de sérieuses craintes pour la sécurité ». Décision a donc été prise de rebrousser chemin.
Que peut-il désormais se passer ?
Dans un tel chaos politique, la situation apparaît donc comme incertaine. En théorie, les enquêteurs peuvent de nouveau tenter d’arrêter Yoon Suk-yeol jusqu’au lundi 6 janvier, date d’expiration du mandat d’arrêt. « Et il n’y aura sans doute rien d’ici-là car le secrétaire d’État américain Antony Blinken est attendu (lundi) en Corée », note Arnaud Leveau. Après cette date, si le président déchu refuse toujours de coopérer, le CIO pourra demander « un renouvellement du mandat d’arrêt » pour une durée de sept jours.
Autre hypothèse, le Bureau d’enquête pourrait chercher à obtenir un mandat d’arrêt formel généralement émis lorsqu’« un suspect refuse de coopérer à l’enquête », selon le commentateur politique Park Sang-byung interrogé par l’AFP. Cela permettrait en théorie de placer Yoon Suk-yeol en captivité pour plus de 48 heures. « Et peut-être que les moyens mis en œuvre pour l’arrêter seraient alors plus conséquents », veut également croire Arnaud Leveau.
Pour l’heure, le CIO s’est contenté d’appeler le président intérimaire Choi Sang-mok à obliger les gardes présidentiels à coopérer. « Il est dans la pratique, impossible d’exécuter le mandat d’arrêt tant que les responsables de la sécurité (…) continuent leur protection » craint ce Bureau d’enquête. Mais pour Shin Yul, professeur de sciences politiques à l’université Myongji questionné par l’AFP, il est « improbable » que Choi Sang-mok réponde favorablement à cette demande. Pour l’heure, Yoon Suk-yeol reste suspendu jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle valide ou non sa destitution. Sa réponse est attendue d’ici la mi-juin.