Roxane Stojanov, portrait de la nouvelle étoile de l’Opéra de Paris (2025)

Promis, elle ne s’y attendait pas. Elle assure n’avoir entendu aucune des rumeurs qui circulaient sur son compte depuis des semaines dans les couloirs de l’Opéra de Paris. Ou préférait-elle ne pas les entendre ?

Promis, elle ne s’y attendait pas. Elle assure n’avoir entendu aucune des rumeurs qui circulaient sur son compte depuis des semaines dans les couloirs de l’Opéra de Paris. Ou préférait-elle ne pas les entendre ? Ce n’est que samedi dernier, à l’issue de la représentation de Paquita, dans laquelle elle tenait le premier rôle, que Roxane Stojanov s'est autorisée à y croire. Quand elle a vu s’avancer sur la scène de Bastille le directeur de l'Opéra, Alexander Neef et son directeur de la danse, José Martínez. Sur les images, on la voit déjà pleurer, tremblante d’émotions avant même que la sacro-sainte formule soit prononcée. Roxane Stojanov, 29 ans, a été nommée étoile du Ballet de l'Opéra.

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«Je ne me souviens pas avoir déjà vécu une émotion aussi puissante », nous confie la danseuse. Trois jours après, jointe par téléphone, Roxane Stojanov semble encore sur un petit nuage. « Je suis submergée par les messages de félicitations. C’est hyper beau tout l’amour que je reçois. »

« Comme si je me voyais faire »

Le tourbillon d’émotions dans lequel elle gravite est d’autant plus puissant qu’il y a une dizaine de jours de cela, la danseuse était d’une toute autre humeur. Le 20 décembre dernier, elle devait danser une première fois ce rôle de Paquita. Le jour même, elle apprenait l’annulation de la représentation, en raison d’une grève du personnel de l’Opéra. « C’est déjà un ballet très compliqué, la préparation a été dure. Mais là, je devais me dire que ce ne serait plus qu’un one shot. »

Une seule représentation pour briller. La ballerine raconte avoir passé quelques jours rongée par l’« appréhension de ne pas relever le défi comme on le souhaite ». Et finalement, le 28 décembre, le réveil était moins douloureux que prévu. « Le soir, j’ai passé un super spectacle. J’ai vraiment tout donné. Je ne dansais pas, c’est comme si je me voyais faire. Tout semblait tellement naturel. Nous étions Paquita et Lucien, et non Thomas [Docquir, son partenaire] et Roxane. »

Si elle relève de la surprise pour la principale concernée, la nomination de Roxane Stojanov au grade suprême était anticipée par la communauté des balletomanes. Le 6 décembre, Vanity Fair, l’avait d’ailleurs longuement rencontrée. Sélectionnée dans le classement des 25 nouvelles têtes qui feront 2025, la danseuse prenait alors le temps de revenir sur son drôle d'itinéraire.

Fée clochette

Elle a grandi auprès d’une mère picarde traductrice - interprète et d’un père diplomate macédonien. Alors pour se figurer l’enfance de Roxane Stojanov, il faut déplier une carte. Elle est née à Auch (Gers) dans la maison des grands parents, a passé quelques mois à Lille, puis « Bruxelles, la Macédoine, et retour à Bruxelles. »

Petite fille virevoltante, elle danse dès le plus jeune âge. Sa mère est friande d’opéra, alors elle se met à improviser sur Carmen de Bizet. Pour canaliser cette envie de danser, ses parents l’inscrivent à des cours d’oro, la danse traditionnelle en Macédoine où elle vit entre ses 6 et 9 ans. Elle se souvient aussi d’avoir interprété la Fée clochette à 9 ans, « dans une sorte de comédie musicale où je chantais en playback ». Déjà, elle est un peu grisée par la scène. Alors à huit ans et demi, et pas avant, elle prend ses premiers cours de danse classique. « Les professeurs ne voulaient pas me prendre avant, de peur que ça empêche ma croissance. » Mais quand elle commence, la jeune Roxane est tout de suite mise à la barre. « Je me rappelle très bien de cette exigence, les pliés d’abord, les dégagés ensuite. » Une rigueur d’Europe de l’Est, qui ne l’effraie pas : « Au contraire, ça me plaisait bien. »

À ses 10 ans, retour en Belgique, avec un objectif en tête : pouvoir s’inscrire à la danse. Au bout de quelques mois, sa nouvelle professeure lui propose de commencer les pointes. « C’était le plus beau jours de ma vie et en même temps je n’y arrivais pas. C’était l’enfer mais j’ai dit “au prochain cours je monterai dessus”. Et au cours suivant, j’étais dessus. » Cette fameuse professeure lui parle aussi de l’école de danse de l’Opéra de Paris. Elle lui explique le principe : école le matin, danse l’après-midi. Elle lui conseille aussi de regarder des documentaires sur cet établissement un peu spécial. On y montre la dureté de l’enseignement, on filme des enfants en larmes. « À ma prof, je lui ai répondu : “j’irai mais moi je ne pleurerai pas.” Je ne voyais pas pourquoi ça devait être dur. »

« Je voulais danser, c’est tout »

Roxane Stojanov avoue quand même avoir versé quelques larmes, les mois suivant son admission à la prestigieuse école. «Forcément, la difficulté d’être séparée de ses parents à 12 ans… » Elle décrit pourtant une scolarité en pension loin des clichés d’un temple de la rigueur bête et méchante. De toute façon, avec elle, la passion de la danse domine tout. L’enfant mettra même plusieurs années à comprendre qu’être danseur peut être autre chose qu’un plaisir, mais aussi une vocation. «Je n’étais pas très curieuse de savoir comment tout cela se passait. Moi je voulais danser, c’est tout. »

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Petit rat, elle passe toutes les classes haut la main. Premier échec au concours d'admission au corps de ballet. Elle ne lâche rien. La deuxième tentative, en 2013, est la bonne. Tout commence maintenant. Fini d'être maternée comme à l'école. Pour être distribuée, il va falloir gravir les échelons. Tant mieux, la danseuse n’a pas des rêves de grandeur. Juste la volonté de gravir la marche suivante. Avec du recul, elle parle d’ailleurs de son parcours comme de quelque chose « d’assez régulier mais pas fulgurant non plus. »

Ultime objectif

Trois ans après avoir été engagée dans le corps de ballet, elle est promue « coryphée ». 2017 lui sourit : elle danse son premier rôle de soliste, dans Rubis de George Balanchine, La Danseuse de rue dans Don Quichotte et reçoit le Prix Carpeaux qui récompense chaque année un danseur du corps de ballet de l'Opéra de Paris de moins de 24 ans. L’année suivante, elle devient « sujet », après un difficile concours de promotion. « Le Jour-J, je n’étais pas au mieux. J’ai été promue mais je l’ai mal vécu. J’ai dit à tout le monde que je ne le méritais pas. Je me suis fait engueuler par mes parents, les coach, qui me disaient que j’étais insupportable. “Tu ne peux plus travailler dans ces conditions”. Ça a changé quelque chose en moi, de me dire que le perfectionnisme est une qualité jusqu’à un certain point. » Même si son opiniatreté continue de payer. Deux ans plus tard, elle reçoit le Prix AROP. En 2022, elle atteint enfin l’avant dernier grade, celui de « Première Danseuse ». Ne restait donc plus qu’un ultime objectif, le titre d’étoile. Le graal.

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